Petit à petit, le bâtiment abandonné est dépoussiéré.
A l'étage, les affaires personnelles sont mises de coté et remplacées par celles des nouveaux habitants. On passe peu à peu d'un chez soi vieux et vide à un lieu habité, vivant. On cuisine, on travaille, on discute, on milite. On se débrouille et on s'aide pour les problèmes d'eau, d'électricité, de papiers.
Au rez de chaussée, tourné vers le quartier, on peut prendre un café, laver son linge, aller chez le coiffeur, accéder à un ordinateur. On lutte : c'est ici que s'est monté le collectif de sans papiers, que se réunissent des groupes militants, que s'organise la défense du lieu, qui n'a obtenu au tribunal que deux mois de délai avant expulsion.
Ici, les frontières sont floues : entre l'étage et le rez de chaussée, entre l'ancien et le nouveau, le formel et l'informel, l'attente et l'urgence. On habite le temporaire.
Ce bâtiment, un vieil appartement au dessus d'un grand entrepot et de plusieurs salles, est habité depuis novembre 2019 par une douzaine de personnes. En plus des liens amicaux et militants que nous avons tissé, avec les habitants et les personnes qui fréquentent le lieu, cette série photo s'inscrit dans le cadre d'un terrain anthropologique commencé en septembre 2019 sur le chez soi dans les squats. Comment habiter un espace qui n'est pas tout à fait à soi, dans une temporalité incertaine ? Comment se faire une place dans la ville à travers ces lieux de passage ?